Publié le 3 juin 2025
Des protocoles leaders comme Lido (staking liquide), Rocket Pool, EigenLayer (restaking) ou Ether.fi ouvrent la voie à ce « yield staking » . Cette innovation offre des rendements additionnels aux validateurs, mais comporte des risques systémiques accrus (effets de levier, dilution de la valeur de l’ETH, risques techniques et de gouvernance). La régulation reste floue : la SEC américaine envoie des signaux contradictoires sur le staking, un facteur à surveiller de près. En somme, le restaking promet d’être un pilier de l’écosystème Ethereum en 2025, tout en nécessitant une vigilance particulière quant à ses effets à l’échelle du réseau.
Ethereum n’est plus seulement la plateforme des smart contracts : c’est devenu une véritable machine à rendement. Depuis sa transition vers la preuve d’enjeu (PoS), plus de 34 millions d’ETH ont été stakés, soit environ 28% de l’offre totale. Mais au-delà du staking classique, une nouvelle dynamique émerge : le restaking, qui permet de générer plusieurs niveaux de rendement sur un même ETH.
Dans cette newsletter, nous expliquons comment Ethereum est en train d’inventer le yield multiplié, à travers le staking liquide, le restaking, et leurs dérivés. Nous analyserons les données des protocoles majeurs (Lido, EigenLayer, Ether.fi…) et les risques systémiques qui accompagnent cette nouvelle ère du rendement. Enfin, nous reviendrons sur la régulation américaine et les perspectives T2/T3 2025.
Vous le savez certainement, le staking sur Ethereum consiste à verrouiller des ETH pour sécuriser le réseau, en échange d’un rendement annuel autour de 4–5%. Cette pratique s’est largement démocratisée depuis le passage à la preuve d’enjeu, avec plus de 28% de l’offre totale aujourd’hui stakée.
Le staking liquide a renforcé cette dynamique en offrant de la liquidité via des tokens dérivés (stETH, rETH…), désormais utilisés dans la DeFi. Ces LST (Liquid Staking Tokens) offrent le meilleur des deux mondes : toucher les récompenses de staking, tout en gardant la liquidité, puisqu’on peut échanger ou utiliser ces jetons en DeFi. Résultat, le staking liquide a redéfini la composition de l’offre d’ETH : 40% de tous les ETH stakés sont désormais représentés par des LST.
C’est dans ce contexte qu’émerge le restaking, qui permet de réutiliser des ETH déjà stakés pour sécuriser d’autres protocoles (par exemple via EigenLayer), en échange de revenus additionnels. Ce mécanisme, appelé yield stacking, permet à un même ETH de générer plusieurs couches de rendement – mais au prix d’une complexité accrue et de risques systémiques liés à l’effet de levier et à l’empilement de protocoles.
Le marché du staking continue de croître en 2025 bien que le rendement de base diminue à mesure que davantage de validateurs se partagent la même “récompense globale” (mécanisme d’offre et demande : plus il y a d’ETH stakés, plus le yield % par ETH baisse). On estime le rendement nominal du staking Ethereum aujourd’hui à un niveau comparable au Taux 10 ans US (~3-4 %), ce qui reste attractif pour nombre d’investisseurs institutionnels .
Alors, qu’est-ce qui motive les stakers à continuer d’affluer malgré cette baisse relative du rendement de base ?
Face à ce rendement nominal en recul, deux moteurs prennent le relais : la DeFi traditionnelle et, surtout, le restaking. Ce dernier permet aux validateurs de générer un rendement additionnel en réutilisant leur ETH déjà staké pour sécuriser d’autres protocoles. Le pionnier EigenLayer s’impose rapidement comme acteur central de cette nouvelle dynamique : dès avril 2024, il devient le 2ᵉ plus grand protocole DeFi sur Ethereum avec une TVL de 12,4 Mds$, représentant environ 3 millions d’ETH restakés – soit près de 10% du staking total à cette période.
Mais cette montée en puissance n’est pas sans débat. Les incentives introduits par ces protocoles dépassent la conception initiale du Proof-of-Stake. Certains membres influents de la communauté Ethereum s’inquiètent d’une possible dilution du rôle monétaire de l’ETH ou d’une prise de pouvoir excessive par des intermédiaires comme Lido ou EigenLayer. Des propositions émergent (plafonnement de l’émission, limitation de la croissance du pool de staking), sans faire consensus. Pour l’instant, la majorité préfère laisser le marché s’autoréguler, estimant que la dynamique actuelle soutient l’adoption et renforce l’utilité de l’ETH dans un contexte de recherche de rendement structurant.
Le yield stacking consiste à empiler plusieurs couches de rendement sur un même ETH staké (staking → LST → liquid restaking → DeFi…). Cela permet de booster les performances, mais crée aussi un effet de levier implicite : en empruntant sur Aave avec du stETH ou en engageant un même ETH dans plusieurs AVS via EigenLayer, les validateurs multiplient leur exposition. Ce levier peut amplifier les pertes en cas de stress sur un protocole, d’instabilité de marché ou de slashing.
En parallèle, cette dynamique s’accompagne d’un risque de dilution monétaire : plus les jetons dérivés (stETH, rsETH…) se généralisent, plus la valeur de l’ETH « pur » pourrait perdre en influence, notamment en matière de gouvernance et de liquidité. Certains membres de la communauté Ethereum alertent sur ce glissement et suggèrent d’encadrer la croissance du staking ou de limiter les usages secondaires.
Enfin, le stacking de couches techniques augmente la complexité et les interdépendances : un incident sur un AVS, un bug de smart contract ou une mauvaise configuration de slashing pourrait avoir des effets en cascade. Le risque de centralisation s’ajoute à cela, avec des protocoles comme Lido et EigenLayer concentrant une part croissante de la sécurité du réseau.
Au cœur de cette dynamique de yield multiplié se trouve une variable déterminante : la régulation. Depuis 2023, la position de la SEC américaine a oscillé entre hostilité (fermeture du service de staking de Kraken, procédure contre Coinbase) et ambiguïté. Jusqu’à récemment, l’agence considérait certaines offres de staking comme des titres financiers non enregistrés.
Mais en mai 2025, revirement inattendu : la division de la finance d’entreprise de la SEC a déclaré que le staking protocolaire, y compris via un intermédiaire, ne constituait pas un contrat d’investissement.
Ce changement de ton a été perçu comme un signal positif majeur par l’industrie. Toutefois, cette position reste fragile : une commissaire de la SEC a dénoncé une rupture avec le droit en vigueur, soulignant les tensions internes au régulateur. Si ce revirement se confirme, il pourrait rouvrir la voie à une adoption plus large du staking aux États-Unis. Dans le cas contraire, une résurgence du risque réglementaire ne serait pas à exclure.
Ce débat intervient alors que l’arrivée potentielle d’ETF Ethereum avec option de staking intégré alimente les espoirs d’un afflux institutionnel massif. Depuis l’élection de Donald Trump en 2024, l’intérêt des fonds pour des produits de type « ETH avec yield » s’est accru. Fin mai 2025, les premiers ETF existants ont enregistré des flux entrants significatifs, suggérant que certains acteurs se positionnent déjà en anticipation d’un cadre plus favorable.
Les mois à venir seront décisifs pour Ethereum et pour l’avenir du staking étendu :
Perspective stratégique : Ethereum est en train d’inventer, pas à pas, une sorte de taux d’intérêt natif à l’écosystème crypto, via le staking et le restaking. Pour les investisseurs aguerris, cela ouvre de nouvelles stratégies de rendement, parfois complexes, mais potentiellement très lucratives si bien maîtrisées. Cependant, la quête du yield multiplié n’est pas sans rappeler certaines dynamiques de la finance traditionnelle avant 2008, où la recherche de rendement additionnel via la titrisation et le rehaussement de crédit avait accru l’opacité et le risque systémique. La bonne nouvelle, c’est que la nature transparente de la blockchain permet à chacun de surveiller les indicateurs (pourcentage d’ETH staké, part de restaking, concentration des validateurs, etc.) en temps réel et d’ajuster le tir en cas de danger. Par exemple, si l’on voit la part de restaking exploser trop vite ou un protocole accaparer une portion inquiétante des dépôts, la communauté peut réagir (propositions de gouvernance, améliorations protocolaires).
En conclusion, « le yield multiplié » est appelé à devenir un pilier de l’écosystème Ethereum en 2025, porteur d’innovations et d’opportunités. Pour autant, il faudra conjuguer cet enthousiasme avec une discipline de gestion des risques. Les prochains trimestres seront décisifs pour trouver le bon équilibre : profiter du formidable essor du restaking et du yield stacking tout en préservant la sécurité et la décentralisation du réseau. Chez Dynastie Crypto, nous continuerons de suivre de près cette évolution, qui mêle aspects techniques, financiers et réglementaires, afin de vous tenir informés des meilleures opportunités comme des pièges à éviter dans cette nouvelle étape de la révolution Ethereum.
Les informations fournies dans cette newsletter le sont à titre éducatif et informatif. Elles ne constituent pas un conseil en investissement. Les cryptomonnaies sont des actifs volatils et risqués : n’investissez que des sommes que vous êtes prêt à perdre. Faites toujours vos propres recherches (DYOR) avant de prendre une décision d’investissement. L’auteur et l’éditeur de cette newsletter ne peuvent être tenus responsables des pertes financières éventuelles liées à l’utilisation de ces informations.
Édité par Vauban Editions SA